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Hans Jonas : Générations futures et populations actuellement damnées – Les raisons de notre irresponsabilité

13 Sep

Hans Jonas - Principe responsabilitéNous avons vu en quel sens nous pouvons penser que notre système économique n’est pas acceptable : tant d’un point de vue écologique que d’un point de vue humanitaire nous ne pouvons nous en satisfaire. Pour ces raisons, nous devons penser à un nouvel ordre économique mondial tenant compte des ressources naturelles et prenant en considération la dignité de la vie humaine. La dimension d’une telle économie ne peut être que mondiale, du fait de la dissémination des ressources nécessaires pour la vie à travers tout le globe et du fait de l’universalité de la valeur de la vie humaine.

Cependant, il semble que la plupart d’entre nous s’est résignée à l’idée du bien-fondé des inégalités et de l’extrême pauvreté d’une partie importante de la planète, et se satisfait de l’économie et de la politique actuelles de nos sociétés. La plupart d’entre nous ne se sent tout simplement pas responsable du problème des populations damnées. Nous savons qu’à l’autre bout de la planète des êtres humains meurent chaque jour par milliers, mais nous continuons pourtant à évoluer, comme si de rien n’était, dans le confort de nos sociétés. Nous continuons d’acheter des voitures suréquipées, des ordinateurs en constante évolution, des vêtements à la mode…etc.

Le problème est donc de savoir pour quelles raisons l’homme occidental au train de vie aisé ne se sent pas concerné par la lutte pour la survie d’une importante partie de l’humanité. Pourquoi acceptons-nous la mort de millions de personnes chaque année, car n’ayant pas pu se nourrir ou s’occuper de leur santé ? Pourquoi ne pensons-nous pas qu’il est nécessaire que les sociétés les plus développées (économiquement) permettent aux populations les moins chanceuses de bénéficier de conditions de vie humainement acceptables ?

Dans le dernier chapitre du principe responsabilité, Jonas évoque l’une des raisons de notre absence de révolte. Pour lui, si nous ne nous sentons pas assez concernés, c’est entre autre pour une raison spatiale. En effet, la distance entre en jeu dans le problème des populations damnées. Elles se situent souvent sur un autre continent, nous en sommes souvent séparés par des milliers de kilomètres. La grande distance entre nantis et damnés permettrait donc d’expliquer pourquoi nous ne nous engageons pas assez pour tenter de résoudre l’épineux problème des trop grandes inégalités entre nations. « Concernant l’appel concret que la misère adresse au sentiment humain c’est un fait que la distance endurcit au point que des populations lointaines meurent de faim, alors qu’une population plus proche ne nous laisserait pas en paix. » (1).

Cependant, cette distance s’est aujourd’hui considérablement raccourcie, notamment grâce aux médias et aux nouvelles techniques d’information. Nous pouvons être témoins quotidiennement, que ce soit par l’intermédiaire de la télévision, des journaux ou encore d’Internet, de la souffrance de certains êtres humains. Nous ne pouvons plus aujourd’hui prétexter que nous ne savons pas : une partie de la réalité qu’endure quotidiennement une part importante de la population mondiale nous est retransmise sur nos téléviseurs, nos ordinateurs, parfois sur nos écrans de cinéma, dans certains livres…etc. Si la distance géographique est réelle, elle se trouve atténuée par la relative médiatisation. Mais une autre distance peut tout de même rentrer en ligne de compte : la distance médiatique. Nous n’approfondirons pas ce point, mais il nous semble évident que les médias se font plus souvent le relais des grandes entreprises et de l’utopie technologique que de la pensée humaniste et, par ailleurs, écologique.

La distance entre nous et les nations les plus pauvres ne permet pas d’expliquer complètement notre absence d’engagement envers elles. La raison majeure doit plutôt être cherchée du côté de l’utopie technologique. N’est-ce pas les technologies elles-mêmes et ce qu’elles nous apportent qui nous enferment sur nous-mêmes et nous empêchent de nous pencher davantage sur les problèmes qui concernent des populations certes lointaines, mais dont nous pouvons prendre conscience quotidiennement ? Nous essaierons de montrer que le confort que nous permettent d’avoir les technosciences et un marché aux offres toujours plus nombreuses est certainement l’une des raisons majeures de notre inertie. Pour soutenir cette thèse, nous nous appuierons essentiellement sur l’article Tuer et laisser mourir de faim de James Rachels.

Ce dernier défend la « Thèse de l’Equivalence », c’est-à-dire qu’il défend que laisser quelqu’un mourir de faim est moralement aussi grave que de le tuer. Ce faisant, il estime se placer en contradiction avec la conscience commune qui pour sa part est persuadée que tuer quelqu’un est plus grave, moralement plus répréhensible que de laisser quelqu’un mourir de faim. Rachels va donc s’attacher à démontrer que nos intuitions selon lesquelles il « vaut mieux » laisser une personne mourir affamée que de tuer une personne ne sont pas fondées, sont injustifiées. Cela nous permettra de soutenir qu’il est aussi criminel pour nous de laisser mourir de faim, par exemple, des Africains que de tuer une personne. Cette position, si elle était admise, nous obligerait à revoir notre mode de vie actuel.

Rachels, pour sa part, rejette l’élément géographique. Que nous soyons dans la même pièce qu’un enfant qui est en train de mourir de faim ou que nous nous situions à des milliers de kilomètres de celui-ci, la situation ne change pas. Une distance importante entre nous et les damnés peut certes être une raison psychologique, mais en aucun cas une raison morale. « lorsqu’on est loin des gens qui ont besoin d’aide, il est facile de ne penser à eux que de façon abstraite, ou de les chasser carrément de ses pensées » (2). Cependant, l’excuse géographique n’en est plus une dès que nous nous plaçons d’un point de vue moral. Il semble important de préciser ici que Rachels cherche à connaître les raisons qui pourraient faire que laisser mourir soit moins grave que de tuer. La grande distance nous séparant des populations affamées ne permet pas de défendre cela. En effet, nous avons la possibilité si nous le voulons de faire parvenir une aide humanitaire aux populations démunies grâce à différentes organisations. La situation géographique des damnés permet de comprendre pourquoi la plupart des gens pense qu’il est moins grave de ne pas aider les populations en difficultés que de tuer quelqu’un, mais elle n’est pas une raison valable pour réfuter l’Equivalence.

Une telle raison pourrait se trouver dans le fait que nous savons que pris individuellement, nous n’avons pas les moyens de combattre la famine et les maladies. Ce raisonnement revient à dire que nous ne sommes pas obligés d’aider les plus pauvres car nul ne peut, pris isolément, résoudre tous les problèmes d’inégalités entres les hommes. Nous ne serions donc pas responsables individuellement de la mort de millions de malchanceux étant donné que nous ne pouvons pas nous acquitter de l’obligation de lutter contre la pauvreté de tous. Cependant, cela revient seulement à constater que personne ne peut se voir attribuer « la responsabilité de sauver tout le monde […] Il ne s’ensuit nullement que nous sommes dégagés de l’obligation de sauver tel ou tel individu, ou même le plus de gens possible. » (3). Si nous n’avons pas le pouvoir d’aider tous les êtres humains dans le besoin, nous avons au moins le pouvoir d’aider quelques personnes (4).

C’est d’ailleurs là ce qui différencie le devoir de ne pas tuer et le devoir de ne pas laisser quelqu’un mourir de faim : nous pouvons parfaitement nous acquitter du premier et vivre, comme la majorité des hommes, sans tuer un individu, tandis qu’il est impossible de ne pas laisser au moins quelqu’un mourir de faim. Mais cette différence ne permet nullement de soutenir raisonnablement que laisser mourir quelqu’un de faim est moins grave que de tuer.

D’autre part, nous pourrions réfuter l’Equivalence en prétextant que des milliers d’autres personnes que nous, notamment des personnes aux revenus plus importants, pourraient assumer le devoir d’aide humanitaire. Malheureusement, ces milliers d’autres personnes, dans leur grande majorité, n’agissent pas davantage. C’est d’ailleurs là ce qui permet, selon Rachels, d’expliquer notre faible sentiment de culpabilité : « L’acuité de notre éventuel sentiment de culpabilité dépend, dans une certaine mesure, du comportement de notre entourage. » (5). Nous ne nous investissons pas assez pour aider les pauvres du fait de l’absence généralisée d’engagement. Nous pouvons constater que la majorité des gens au train de vie relativement aisé qui nous entourent ne se mobilise pas plus que nous pour combattre la faim dans le monde, ce qui nous permet d’avoir la conscience en paix, et de ne pas nous sentir coupables en comparant notre engagement à celui de nos voisins. Mais l’indifférence généralisée ne constitue en aucun cas une justification morale de notre absence d’engagement. La culpabilité ne se divise pas mais se multiplie : plus nous sommes nombreux à rester indifférents, plus nous sommes nombreux à être coupables.

Etant parvenu à récuser le bien-fondé de divers arguments opposés à la Théorie de l’Equivalence, Rachels en conclut alors que laisser mourir quelqu’un de faim est moralement plus grave que ce que nous en pensons habituellement. Nous avons vu les raisons psychologiques qui peuvent venir appuyer le bien-fondé de notre non-assistance à personnes en situation précaire. Elles ne peuvent, par contre, venir justifier moralement notre conduite passive.

Rachels défend donc l’équivalence entre le fait de tuer et le fait de laisser mourir de faim : « Tuer et laisser mourir sont moralement équivalents — l’un n’est pas préférable à l’autre. » (6). En effet, si les raisons pour ou contre A sont les mêmes que les raisons pour ou contre B, il s’avère que A et B sont, du point de vue moral, équivalents. Or, qu’il s’agisse d’un meurtre ou de non-assistance, les effets sur la victime et sur son entourage sont les mêmes. La personne morte de faim perd la vie, l’accès à la possibilité de l’humanité, tout comme la personne assassinée : toutes les deux perdent un bien précieux. De même, les conséquences pour la famille et les amis de la victimes sont similaires : dans les deux cas, la perte d’un être cher. En outre, nous ne pouvons pas soutenir que tuer consiste à agir et laisser mourir consiste en une absence d’action, car lorsque nous laissons des gens mourir, nous les laissons mourir, ce qui peut-être conçu comme une action et non une simple omission, une simple abstention. Par ailleurs, quand bien même nous pourrions concevoir le fait de laisser mourir comme une omission, une sorte de non-action, nous ne sommes pas moins responsables d’un tel manque d’action que d’une « véritable » action. Comme le rappelle Rachels, la fraude fiscale, qui consiste à omettre de déclarer certains biens au fisc, est bel est bien un délit, même si dans ce cas nous ne faisons rien.

Mais la thèse que soutient Rachels est, sur de nombreux points, contre-intuitive. En effet, l’acceptation de cette thèse nous obligerait moralement à changer profondément de comportements. Cette théorie est en opposition avec notre mode de vie, elle nous oblige à renoncer à certains privilèges. Que des changements radicaux dans notre façon de vivre soient nécessaires pour lutter contre la faim mondiale peut apparaître comme une raison suffisante pour ne pas accepter l’équivalence morale entre tuer et laisser mourir de faim. Cependant, si nous prenons en compte le point de vue des damnés, si nous nous représentons ce qu’ils endurent quotidiennement, nous devons accepter les conséquences de la « Thèse de l’Equivalence ». « Alors que nous avons largement les moyens sur Terre de nous offrir les sourires apaisés des petits hommes, nous laissons gagner la misère et la faim. » (7). Ce triste constat doit nous inciter à réagir.

Nous avons donc trouver la raison principale de notre inaction : l’utopie technologique et, en son cœur, la promesse d’un bonheur apporté par un confort toujours plus important. C’est notre attachement au confort, que nous permettent d’avoir le libéralisme économique et les objets technologiques, qui nous empêche de prendre vraiment conscience de la situation planétaire actuelle et des changements importants qu’il faudrait apporter à nos comportements.

Car il est évident que posséder une machine à laver, un ordinateur, une chaîne HI-FI, pouvoir manger autant qu’on le désire permet d’avoir une vie agréable, un bien-être indubitable. Notre mode de vie, en soi, est attirant. Du point de vue des nantis, le confort matériel est un bien. Mais également du point de vue des plus démunis, cela va sans dire.

Cependant, nous avons vu les effets négatifs d’une telle façon de vivre, ainsi que l’impossibilité devant laquelle nous sommes d’étendre un tel confort technologique à l’humanité toute entière. L’une des solutions, que propose Jonas, pour tenter de réduire les inégalités mondiales actuelles, est celle d’un transfert partiel des capacités de production des pays les plus riches vers les pays les plus démunis : « La solution alternative serait un transfert partiel des capacités (de production) existantes des régions à « haute pression » vers les régions à « basse pression », de sorte qu’in summa l’effort global demandé à l’environnement resterait limité » (8). Se placer à l’intérieur de l’utopie technologique revient à penser que les inégalités entre nations seront estompées par la hausse du niveau de vie des plus démunis et le maintien, si possible la croissance, de notre niveau de vie. Cette utopie excède malheureusement les limites de l’environnement. Si nous voulons prendre en compte celles-ci et les générations futures, la réduction des inégalités ne peut que se traduire par une amélioration, certes, des conditions de vie des damnés, mais surtout par un abaissement notable de notre train de vie. Une égalisation des niveaux de vie des différents pays, « ayant pour fin d’élever les niveaux les plus bas, signifie naturellement l’abaissement des plus élevés ; elle signifie y réduire des capacités de production avec un rétrécissement correspondant des capacités de consommation qui leur doivent leur existence. »(9).

Combattre efficacement la pauvreté et la famine, permettre un développement mondial durable se traduirait donc par une diminution de notre confort matériel. Si nous revenons à l’article de Rachels, cela permet d’expliquer que nous considérons en général qu’il est plus grave d’être l’auteur d’un homicide que de laisser des gens mourir de faim. En effet, « tant du point de vue des avantages que du point de vue des coûts, il est dans l’intérêt des habitants des pays riches d’estimer plus grave le fait de tuer que celui de laisser quelqu’un mourir. Tout d’abord, l’interdiction de tuer n’entraîne pas de coûts élevés : on peut vivre très bien sans ne jamais tuer personne. Mais le coût que représenterait l’obligation de ne pas laisser mourir les gens que nous pourrions sauver serait considérable. Pour chacun d’entre nous, le fait de considérer qu’il est de notre devoir de sauver les gens qui meurent de faim exigerait l’abandon de notre mode de vie opulent ; nous ne pourrions plus dépenser notre argent à des produits de luxe pendant que d’autres meurent de faim. » (10).

L’obligation de venir en aide aux plus démunis est réelle mais nous avons intérêt à ne pas y penser trop souvent. Respecter cette obligation (qui est objective, si nous nous plaçons d’un point de vue jonassien) nous conduirait à sacrifier sensiblement notre bien-être. D’un point de vue matériel, nous ne ferions qu’y perdre. Cependant, sous un angle moral, nous y gagnerions certainement beaucoup.

Nous avons vu les différentes raisons qui concourent à notre manque d’engagement. Il s’est avéré que c’est notre intérêt à conserver le système économique actuel, notamment le confort qu’il permet à un certain nombre de chanceux d’avoir, qui nous fait sous-évaluer l’obligation de ne pas laisser mourir un homme de faim. Notre dépendance au confort matériel est la raison principale pour laquelle nous ne nous penchons pas davantage sur les problèmes que rencontrent les populations défavorisées.

Il est évident que la même raison vient en ligne de compte en ce qui concerne notre manque de conscience écologique : se soucier véritablement de l’état de l’environnement revient à adopter une attitude fortement critique vis-à-vis de la politique de nos nations développées et de l’emprise presque totale qu’a sur elles l’économie mondiale. Mais surtout, la préservation de nos conditions naturelles de vie nous conduit à récuser le bien-fondé du matérialisme technologique de nos sociétés. Ainsi les raisons de notre manque de sensibilité écologique sont-elles les mêmes que celles de notre inaction humanitaire.

S‘il semble que notre volonté de vivre confortablement, que l’utopie technologique qui soutient que le confort matériel et technologique apportera le bonheur humain est effectivement ce qui explique notre attitude de passivité, il est important de rappeler que cette utopie est entretenue, nourrie par certains. Nous voulons dire par là que c’est peut-être la défense, l’encensement par certains de cette utopie technologique qui cause également notre passivité : notre attachement excessif au confort est entretenu par exemple par les publicités. Les grandes firmes multi-nationales ont très vite compris qu’il faut entretenir le désir du consommateur et en créer de nouveaux. A cet effet, les campagnes de publicité ont pour but de présenter sous un jour agréable le produit qu’elles vantent, et de pousser le consommateur à penser que son bonheur passe par l’acquisition de celui-ci. Il ne nous semble pas utile d’approfondir l’importance qu’a la propagande sur notre attachement au confort, tant le lien est évident.

De même, ne pouvons-nous pas penser que l’éducation participe à l’utopie technologique et à l’irresponsabilité, l’inconscience (écologique et humanitaire) de nos sociétés ? Il nous semble en effet que l’éducation, en n’insistant pas assez sur certaines valeurs humanistes et en formant des citoyens du monde insuffisamment conscients des conséquences de leurs actions, participent au maintien de l’utopie de nos sociétés. Mais nous reviendrons d’avantage sur le thème de l’éducation dans notre prochaine partie qui traitera des solutions pour lutter, entre autre, contre l’idée que le bonheur réside dans la propriété d’objets technologiques toujours plus perfectionnés.

Pour conclure sur les raisons de notre absence de révolte, les intellectuels ne sont pas non plus hors de cause. Certes, certains s’élèvent encore contre les injustices du système, contre la faiblesse de nos politiques, mais un grand nombre n’a-t-il pas déjà rejoint le camp de ses partisans ? Toujours est-il que nous ne pouvons que constater le ralliement d’un grand nombre de penseurs et de gens de lettres à l’utopie. De plus en plus d’intellectuels renoncent à leur fonction critique à l’égard du marché. Jean-Claude Guillebaud, constatant cette défaillance du sens critique, parle d’une « incroyable docilité d’une bonne part des intellectuels » (11).

L‘utopie technologique qu’entretiennent les sociétés développées crée donc une ligne de partage entre les personnes qui acceptent le système économique mondial actuel et notre façon de consommer, et celles qui refusent ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation libérale (du moins telle qu’elle s’est réalisée jusqu’à nos jours). Le fait que le système économique libéral actuel peut être considéré comme fortement injuste nous amène à faire une comparaison entre la situation actuelle et le régime de Vichy en France durant la seconde guerre mondiale.

Comme dans les années quarante, nous sommes confrontés à un mode de fonctionnement profondément inhumain. Le régime de Vichy a conduit à la dénonciation, la déportation puis l’élimination de nombreux juifs et résistants. Un fonctionnaire, en coopérant à ce système politique, participait à l’une des plus grandes atrocités humaines. De même, en nous inscrivant dans le système économique mondial, nous participons indirectement à la mise en péril future de notre espèce, et nous laissons mourir chaque années des millions d’êtres humains, conséquences qui ne sont pas moins horribles, loin s’en faut, que celles de la collaboration d’un fonctionnaire au régime de Vichy.

La comparaison entre notre système actuel, une économie mondiale libérale, et l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité peut sembler abusive. Il nous semble pourtant qu’elle est amplement justifiée par les conséquences négatives de l’utopie technologique que nous avons abordées dans notre seconde analyse et dans le premier temps de cette troisième analyse.

L’attitude critique et la résistance au mode de fonctionnement actuel de nos sociétés libérales sont donc tout autant nécessaire qu’il y a cinquante ans. Accepter l’ultra-libéralisme économique de nos sociétés, cela ne revient-il pas à collaborer à un système immoral et donc à se rendre soi-même immoral ?

Nous avons vu les différentes raisons qui explique notre collaboration. Notre besoin de confort et notre dépendance aux nouvelles technologies sont donc ce qui permet d’expliquer que les inégalités et la menace que font peser les artefacts technoscientifiques sur l’humanité ne sont pas des problèmes pour lesquels nous nous mobilisons facilement.

Nous nous tournons à présent vers les solutions qui pourraient permettre de modifier notre perception des choses et, à terme, de modifier la situation mondiale actuelle. Le problème sera essentiellement pour nous de savoir comment peut s’entretenir et se développer une résistance à l’utopie technologique, c’est-à-dire une « conscience verte », qui refuse la mise en danger de l’humanité future, et une conscience « égalitariste », qui ne se satisfait pas des inégalités, du moins lorsqu’elles ne sont pas au bénéfice des plus pauvres.

Plan de l’étude de Hans Jonas * :

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Voici la version PDF de mon mémoire :

Mémoire consacré à Hans Jonas : responsabilité et utopie technologique

Mémoire consacré à Hans JONAS : Responsabilité et utopie technologique


 
 

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