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Le doute est-il un échec de la raison ?

04 Oct

Le doute est-il un échec de la raison ?Introduction

En première analyse, on parle d’échec lorsqu’un but est poursuivi mais manqué, non atteint, pour quelque raison que ce soit.

Parmi les buts de la raison, on peut évoquer la distinction du vrai et du faux, les jugements corrects, l’établissements de liens entre les raisonnements, la compréhension, la connaissance, etc.

Dès, lors, le doute serait un échec dans la poursuite de ces buts. Arrivant à douter, l’homme raterait la connaissance, il manquerait l’accès aux raisonnements droits et assurés. En doutant, l’homme hésiterait, il suspendrait son jugement et, par là-même, manquerait la cible de la raison. Ainsi la raison n’atteindrait-elle pas ses objectifs dans le doute. En ce sens, il semble bel et bien que le doute constitue un échec de la raison.

Mais devons-nous bannir le doute ? Cela reviendrait à accepter les idées sans esprit critique. Ne peut-on pas au contraire instituer le doute comme un élément essentiel dans l’accès à la connaissance et comme un moteur intrinsèque à la raison ? Bref, le doute est apparu comme un échec de la raison, mais il semble, en même temps, impossible de l’éliminer.

La position sceptique ou le doute comme demi-echec

En ce qui concerne la connaissance sensible, l’homme doit reconnaître l’imperfection de ses sens : mirage dans le désert, expérience du bâton brisé de Descartes, etc. Les sens nous trompent. Dés lors, l’incertitude caractérise les conclusions que pourrait tirer la raison des sens. De même, on est contraint de reconnaître que les opinions à travers le monde sont en contradictions, s’opposent les unes aux autres. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » comme l’exprimant Pascal dans ses Pensées. Que ce soit en s’appuyant sur l’imperfections de nos sens ou en soulignant la contradiction des opinions, le doute semble s’imposer dans notre saisie du monde et dans l’accès à la connaissance.

Outre ces raisons externes, on peut également avancer une raison interne pour être conduit au doute dans l’accès à la connaissance. En effet, la vérité d’une conclusion dépend des prémisses. Mais chaque prémisses repose elle-même sur une démonstration, et ce, à l’infini : « Prouve ta preuve ». Et si l’on admet des vérités premières, quelles sont les fondements rationnels de celles-ci : pourquoi s’arrêter à ces fondations et ne pas continuer à l’infini ?

Bref, le doute semble bel et bien un défaut de la raison elle-même dans sa quête de la connaissance et de la vérité. La raison échoue : comment ne pas douter ? Comment ne pas tomber dans le relativisme ? Les opinions s’opposent, se succèdent ; la vérité scientifique évolue avec le temps. Mais mieux vaut le doute que l’erreur ou l’ignorance. En un sens, seule l’erreur est un réel échec de la raison. En tombant dans l’erreur, l’homme trouve le faux alors qu’il cherchait la vérité : c’est un échec par excellence. Avec le doute, l’homme ne se prononce pas, il se tient sur la réserve : c’est une sorte de demi-échec. Au moins, le sceptique sait qu’il ne sait pas, d’où sa suspension du jugement.

Le doute comme étape pour accéder à la vérité

Mais on peut accepter une autre perspective sur le doute. N’est-ce pas en doutant d’une chose, d’une théorie, d’un discours que l’on se met véritablement en chemin vers la fondation du savoir ? Le doute méthodique semble bien être la voie même du savoir. Grâce au doute, il est possible d’établir des certitudes. Dans l’oeuvre de Descartes, on voit ainsi l’argument du rêve arriver à la certitude des mathématiques et des natures simples. Dans le cartésianisme, le doute hyperbolique (douter de tout) est l’arme par excellence de la raison pour lutter contre les croyances naturelles et accéder à la connaissance scientifique. Par le doute, on interroge la condition de possibilité de toute représentation.

Dans cette optique, le doute devient donc une étape, tout autant qu’un outil, voire une arme dans la recherche de la vérité. Loin d’être un échec, le doute devient le moyen d’atteindre le but de la raison : la connaissance et la vérité. Par le doute, la raison assoit fermement ses jugements et accède à la certitude.

Le doute comme moteur de la raison

A l’opposé de la position initiale, le doute n’est donc pas un échec mais l’allié précieux de la raison. La raison, c’est la capacité de réfléchir sur ses propres opinions, de les remettre en cause. On voit donc apparaître le lien très fort, indissociable et positif tissé entre la raison et le doute. Etre doué de raison, c’est faire preuve d’esprit critique. Est-ce que ce qui m’apparaît certain aujourd’hui l’est réellement ? Sans tomber dans le doute hyperbolique qui ne peut mouvoir que le seul philosophe et les fans de science fiction, il convient de reconnaître au doute toute sa valeur positive.

Finalement, raisonner revient à douter. N’est-ce pas d’ailleurs dans le doute que siège la philosophie ? S’étonner des choses, prendre du recul par rapport à ce qui nous entoure (idées, objets, théories…). En commençant à douter, l’homme franchit la première étape de la philosophie.

Conclusion

Le doute, conçu comme échec de la raison, paralyse celle-ci : le doute, en ce sens, empêche la raison de prendre parti après réflexion. Mais le doute s’avère être l’outil essentiel de la raison. Mieux, la raison et le doute ne font qu’un. Le doute peut être défini comme la raison en acte.


 
16 commentaires

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Réagissez

 

 
  1. Thomas

    23 janvier 2009 à 18:50

    Un sujet très intéressant et bien analysé :)

     
  2. Pierre

    26 janvier 2009 à 17:09

    Merci pour cette critique positive 😀

     
  3. Said Chehidi

    18 mars 2009 à 17:20

    Excellente analyse qui rejoint bien l’esprit du philosophe arabe LE JAHIZ qui affirmait que « le doute est la voie vers la vérité ».
    Aussi, on aurait dû insister sur l’idée du « relatif » dans l’espace et dans le temps, ce qui est vrai ici peut ne pas l’être là-bas ( différence de culture ); ou ce qui est vrai aujourd’hui peut ne plus l’être demain (progrès, évolution..) ……
    Merci quand même.

     
  4. Moise Fongoro

    11 juin 2009 à 12:25

    Sujet très interressant pour la vie et le monde .

     
  5. Moise Fongoro

    11 juin 2009 à 12:26

    Bonne analyse et bonne reflexion

     
  6. Thieffry

    17 novembre 2009 à 20:18

    super résumé, très explicite! merci ça m’a beaucoup aidé…

     
  7. Cynthia

    8 septembre 2010 à 19:04

    Je suis en Terminal Littéraire, j’ai donc commencé les cours de Philo depuis peu. J’avoue qu’en lisant cet article cela m’a beaucoup aidé. Merci beaucoup

     
  8. Bob

    4 novembre 2010 à 18:43

    Mangez des chips, ça donne faim

     
  9. Pierre

    18 décembre 2010 à 11:32

    Merci pour cet instant philosophique 😉

     
  10. pierre oswald

    27 novembre 2011 à 21:35

    bonne dissertation le doute et la raison ne font qu’un

     
  11. Le doute est-il un échec de la raison ? « sans opinion

    24 décembre 2011 à 0:58

    […] apparu comme un échec de la raison, mais il semble, en même temps, impossible de l’éliminer. Lire l’intégralité de l’article Share this:TwitterFacebookJ'aimeJ'aime  Laisser un […]

     
  12. Fatoumata

    4 juin 2012 à 12:29

    Merci pour ce sujet très intéressant et bien expliqué sa ma beaucoup aidé dans ma matière de philosophie.

     
  13. Fadimata Toure

    13 avril 2013 à 10:10

    Mer6 pr 7 sujet ça ma bocou aide

     
  14. Boubacar

    8 juin 2013 à 19:25

    un sujet tres important et bien analyse ®

     
  15. mamadou fofana

    11 mars 2014 à 23:55

    un sujet très interessant et ça m’a ouvert l’esprit

     
  16. jean Pierre

    28 septembre 2018 à 18:53

    Ne pas douter est monstrueux. Toute religion, idéologie, système de pensée qui ne fait pas de place au doute n’a produit que des monstres.

    Merci et bravo pour cette dissertation.