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Le principe d’indiscernabilité, par Michel TROUBLÉ

09 Jan

418b7e12573818a4c6fd192366b1b227_largeLe ‘principe d’indiscernabilité’ peut être établi en analysant la nature des liaisons physiques qui doivent être mises en place entre le capteur et l’afficheur d’un appareil de mesure dont la fonction essentielle est de déterminer les propriétés spécifiques des objets du monde avec lesquels nous interagissons.

Pour effectuer la mesure d’un observable O sur un objet A, il faut que cet objet interagisse avec un dispositif technique donné Ap qui a la particularité de se mettre dans un état final spécifique unique E lorsque l’interaction est complète.

Considérons un dispositif de mesure thermométrique constitué des éléments suivants : un capteur (un thermomètre), un afficheur (ou actionneur) et des liaisons physiques entre le capteur et l’actionneur. Le monde sur lequel portent les mesures thermométriques est supposé constitué des seuls deux objets A et B dont le premier est, par exemple, de la lave en fusion, il est ‘chaud’, et le second un morceau de glace, il est ‘froid’. Les mesures sont ainsi relatives au seul observable P, la température.

Généralement, si P est le nombre d’observables, il y a N = 2P propriétés possibles. En l’occurrence, avec le seul observable température, soit P = 1, il en résulte qu’il existe N = 2P = 21 = 2 propriétés différentes. À savoir, les propriétés ‘chaud’ et ‘froid’ qui caractérisent respectivement les objets A et B.

À un état donné (‘chaud’ ou ‘froid’) de l’entité A ou B qui fait l’objet de la mesure doit correspondre un état unique du capteur thermométrique. Ainsi, avec un thermomètre en tant qu’élément sensible Ap à l’observable ‘température’, cet état est représenté par la longueur de la colonne de mercure qui est fonction de la température de l’objet sur lequel porte la mesure.

En considérant que le ‘zéro de la règle’ qui permet de déterminer la longueur de la colonne de mercure se trouve au niveau du bulbe du thermomètre, deux cellules photoélectriques CA et CB – seulement sensibles à la forme spécifique du ménisque de mercure – sont positionnées en deux points précis le long du capillaire. Les localisations des deux cellules CA et CB correspondent aux deux positions possibles atteintes par le ménisque.

Le signal de sortie SA pour la cellule CA, ou le signal SB pour la cellule CB, est égal à 1 lorsque le ménisque se trouve devant la cellule, et 0 dans le cas contraire. Ne sont prisent en compte que les positions finales du ménisque de mercure, les positions transitoires sont inintelligibles.

Lorsque l’objet A se trouve devant le bulbe du thermomètre et que la mesure est complète (la colonne de mercure est stabilisée), seule la cellule photoélectrique CA est finalement activée, soit un signal de sortie SA = 1, avec SB = 0. Pour l’objet B, c’est seulement la cellule CB qui est activée, soit un signal de sortie SB = 1, avec SA = 0.

Les liaisons physiques qui s’établissent entre le capteur et l’afficheur doivent répondre à la question suivante : comment passer d’un système capteur qui possède deux sorties distinctes SA et SB, à l’entrée unique d’un afficheur.

Logiquement, il y a 4 et seulement 4 combinaisons physiques possibles entre les deux sorties SA et SB qui conduisent à une sortie unique, soit : 0, SA, SB, {SA ou SB} (combinaisons déclinées à partir du développement exhaustif d’une ‘table de vérité’ carrée fondée sur les deux entrées SA et SB qui peuvent prendre les valeurs 0 ou 1).

La combinaison {SA et SB}, au moyen de l’opérateur ‘et’, est logiquement toujours égale à 0 puisque les cellules photoélectriques CA et CB ne peuvent pas être simultanément activées lors de la présentation des objets A ou B devant le thermomètre.

Généralement, il y a M = 2N combinaisons possibles établies à partir des N propriétés possibles (ce sont les N lignes qui résultent des différentes combinaisons possibles de 0 et de 1 d’un tableau possédant N colonnes). En l’occurrence, le fait qu’il existe N = 2 propriétés ‘chaud’ et ‘froid’ attachées respectivement aux objets A et B, entraîne qu’il y a bien M = 2N = 22 = 4 combinaisons possibles : 0, SA, SB, {SA ou SB}

Eu égard le contexte expérimental, les 4 liaisons possibles entre le capteur et l’afficheur sont donc les suivantes :

– une liaison L0, toujours inopérante car reposant sur une combinaison des sorties SA et SB qui est toujours égale à 0.

– une liaison L1, attachée à la sortie SA.

– une liaison L2, attachée à la sortie SB.

– une liaison L3, attachée à la sortie composite {SA ou SB}.

Les quatre liaisons L0, L1, L2, L3 entre le capteur et l’afficheur étant établies, on réalise alors les tâches suivantes :

– l’objet A est placé devant le bulbe du capteur thermométrique : seule la cellule photoélectrique CA est activée, d’où SA = 1 et par là même {SA ou SB} = 1. Les liaisons L1 et L3 sont donc simultanément opérantes.

– l’objet B est placé devant le bulbe du capteur thermométrique : seule la cellule photoélectrique CB est activée, d’où SB = 1 et par là même {SA ou SB} = 1. Les liaisons L2 et L3 sont simultanément opérantes.

Finalement, les objets A et B sont donc respectivement vérifiés par les liaisons L1 et L2, et à ce titre, ces objets sont différents. Dans le même temps, les objets A et B sont simultanément vérifiés par la liaison L3, et à ce titre, ils sont aussi identiques.

Généralement, parmi les M = 2N combinaisons possibles qui résultent de l’existence de N propriétés, il y a E1 = M/4 combinaisons qui vérifient spécifiquement chacune des N propriétés, et E2 = M/4 combinaisons qui vérifient simultanément deux quelconques de ces propriétés.

En l’occurrence, le fait qu’il existe deux propriétés ‘chaud’ et ‘froid’ attachées respectivement aux objets A et B, entraîne qu’il existe : (1) E1 = M/4 = 2N/4 = 22/4 = 1, soit une liaison L1 attachée à la sortie SA et une liaison L2 attachée à la sortie SB vérifiant respectivement les objets A et B, (2) E2 = M/4 = 2N/4 = 22/4 = 1, soit une liaison L3 attachée à la sortie composite {SA ou SB} vérifiant simultanément les objets A et B.

En conclusion :

Étant à la fois différents et identiques, les objets A et B sont strictement indiscernables.


 

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