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Peut-on tout démontrer ?

13 Sep

Peut-on tout démontrer ?Il semble, au premier abord possible de tout démontrer : un avocat ne peut-il pas par exemple soutenir n’importe quelle thèse, défendre n’importe quelle cause de manière argumentée ? Un habile rhéteur n’est-il pas en mesure de développer n’importe quelle démonstration ?

Cependant, le cas des mathématiques semble mettre en exergue le fait que certaines choses ne peuvent être démontrées : les axiomes ne peuvent pas faire l’objet d’une démonstration et doivent être admis comme des vérités premières. Dès lors est-il possible véritablement de tout démontrer ?

Reprenons. Comment comprendre la démonstration ? Consiste-t-elle par exemple seulement à appuyer une thèse par des raisons, c’est-à-dire à argumenter en faveur d’une thèse ? Si tel est le cas, il semble possible de démontrer tout et son contraire : n’y a-t’il pas dès lors autant de démonstration que d’avis et d’opinion ? Cependant, ne faut-il pas relier la démonstration à la notion de vérité, dans le sens où démontrer une thèse reviendrait à en établir la vérité, notamment par une déduction. Ainsi la démonstration serait-elle limitée, encerclée par la vérité : vérité de la conclusion à établir, vérité des prémisses du raisonnement. Mais qu’en est-il alors de ces prémisses : est-il possible de démontrer la vérité de ces « vérités » ? si les fondements de la démonstration ne sont pas des « vérités », la dméonstration elle-même ne disparaît-elle pas ? Une démonstration n’ayant pour base que des hypothèses est-elle pensable ? Bref, peut-on tout démontrer ?

Domaine illimité : démonstration et argumentation

Au premier abord, donc, il semble possible de démontrer tout et n’importe quoi, c’est-à-dire d’appuyer, de défendre, de donner des raisons appuyant n’importe quelle thèse ou défendant n’importe quel comportement. On peut ici penser à l’avocat qui peut défendre la légitimité d’un comportement odieux. Ici « démontrer » est compris comme donner des arguments par exemple en faveur d’une thèse. Il y a donc la possibilité a priori de tout défendre, de tout démontrer. Certes les démonstrations peuvent être plus ou moins efficaces, mais la forme même de la démonstration, consistant à appuyer par exemple une thèse par d’autres thèses peut s’appliquer à toutes choses : la démonstration peut ne pas persuader quelqu’un mais il demeure possible d’élaborer une démonstration pour toutes choses. Il est par exemple possible a priori de démontrer qu’une orange est en fait de couleur bleue.

L’activité ici en jeu n’est autre que la sophistique. Gorgias, dans le Gorgias de Platon prétend aisni pouvoir persuader un auditoire de n’importe quoi. Il s’enorgueillit ainsi de pouvoir démontrer qu’il est meilleur médecin qu’un vrai médecin, et assure qu’il serait choisi à l’insue des vrais médecins grâce à son art oratoire. Gorgias met ici en vant le pouvoir absolu, illimité de la rhétorique : il serait possible grâce à celle-ci de tout démontrer. Rien ne saurait pour un bon rehéteur être indémontrable : les seules limites de la démonstration seraient liées à l’incompétence du rhéteur, mais en soi tout est démontrable. Autrement dit, le domaine de la démonstration, de la persuation, de l’argumentation semble bel et bien illimité.

Cependant, le problème de ce premier temps de notre analyse est le manque de distinction entre la simple persuation, la simple argumentation et la démonstration. Un élément, notamment, a été laissé de de côté, pourtant essentiel au concept de démonstration : le rapport de celle-ci à la vérité.

La vérité comme limite

La démonstration ne consiste pas seulement à appuyer une thèse par d’autres thèses, mais à établir la vérité d’une thèse ou d’une proposition. Autrement dit, démontrer A ou démontrer que A revient à prouver que A est vrai. En ce sens, la démonstration est étroitement liée à la notion de vérité, ce qui s’oppose à la sophistique abordée aupravant pour laquelle tout est démontrable, y compris ce qui est faux ou ce qui n’est pas.

Aristote, Topiques, 100A : « Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, une autre chose différente d’elles en résulte nécessairement, par les choses mêmes qui sont posées. – C’est une démonstration quand le syllogisme part de prémisses vraies et premières, ou encore de prémisses telles que la connaissance que nous en avons prend elle-même son origine dans des prémisses premières et vraies ».

Pour Aristote, la démonstration, opération fondamentale de la science, est la déduction d’une conclusion à partir de prémisses considérées comme vraies, certaines. On conclue de manière certaine à partir de prémisses vraies. Démontrer, c’est déduire la vérité, la nécessité logique d’une conclusion à partir de prémisses considérées comme vraies. Autrement dit, le point de départ et le terme de la déduction, c’est toujours la vérité (au moins en visée, car il est toujours possible de faire une erreur dans le raisonnement, ou de partir de prémisses considérées à tort comme vraies). Par conséquent, il est possible dans les sciences de démontrer toutes les propositions puisqu’elles sont liées entre elles. Toutes les propositions, tous les énoncés scientifiques sont émontrable. C’est d’ailleurs là l’une des propriétés de l’oncé scientifique : pouvoir être démontrable objectivement.

Il faut cependant rappeler, pour reprendre une distinction kantienne, que la logique n’est pas une condition positive de la vérité d’une proposition : un raisonnement peut être logiquement valide mais matériellement faux (Toutes les plantes ont des feuilles, or Socrate est une plante, donc Socrate a des feuilles) ; mais une condition négative : il faut au moins, même si ce n’est pas une condition suffisante, respecter les lois de la logiques pour que la conclusion d’un raisonnement soit vraie.

Quoi qu’il en soit, au sens strict on ne peut démontrer qu’une proposition vraie, une conclusion nécessaire en partant de prémisses vraies, du moins que l’on considère comme telles. En ce sens, on ne peut pas tout démontrer : la démonstration a certaines limites liées à la notion de vérité.

Cependant, nous avons vu dans la définition de la démonstration proposée par Aristote que le point de départ, les prémisses de la démonstration sont non seulement vraies, mais également premières, plus ou moins directement, dans le sens où soit les prémisses de la conclusion sont des vérités premières, soit les prémisses de ces prémisses le sont : c’est-à-dire qu’à plus ou moins long terme, la conclusion est tirée de vérités premières, de prémisses considérées comme telles. Or, qu’en est-il de ces prémisses elles-mêmes ? Nous avons vu que la vérité est l’une des limites de la démonstration. Mais ces vérités premières sont-elles elles-mêmes démontrables ? Quel est le statut de ces « vérités premières » sur lesquelles est basées les démonstrations ?

Aristote (opus cité) définit ainsi les vérités premières : « Sont vraies et premières les choses qui tirent leur certitudes, non pas d’autres choses, mais d’elles-mêmes ».

On ne peut donc pas a priori démontrer les prémisses elles-mêmes de la démonstration, puisqu’on ne peut les conclures d’autres prémisses vraies et premières. Elles ont évidentes par elles-mêmes, ce sont des vérités intuitives : il y a une « auto-monstration » des vérités premières. C’est ainsi pour Aristote que les premiers principes des sciences sont en eux-mêmes certains : on n’a pas à en chercher le pourquoi. Le principe est évident et clair, son évidence se montre d’elle-même.

En ce sens, l’image des sciences est la suivante : des propositions sont conclues les unes des autres, sont démontrées les unes à partir des autre, mais ce non pas selon une régression à l’infini : on trouve nécessairement un terme utlime à toute démonstration sous la forme de principes, c’est-à-dire de vérités premières. C’est le « fondationnalisme » : des vérités premières, « intuitives » servent de fondement à toute démonstration, à toute autre vérité. Toute proposition vraie ne peut être démontrée, c’est-à-dire ne peut être établie comme vraie, logiquement certaine qu’à partir de ces vérités premières. En ce sens, la condition de possibilit » de la démonstration est l’existence de propositions vraies d’où l’on peut conclure selon ceertaines lois de la logiques de manière certaine d’autres propositions.

Nous avons vu en ce deuxième temps que la démonstration doit être conçue comme l ’établissement de la vérité d’une proposition à partir de prémisses considérées comme vraies. En ce sens, on ne peutdémontrer que ce qui est vrai. On a vu également que le fondement de la démonstration ainsi conçue est l’existence de vérités premières. Autrement dit, le présupposé de la démonstration est l’existence de vérité. Après avoir vu dans un premier temps qu’on pouvait penser qu’il est possible de tout démonstrer, nous avons vu dans le deuxième temps que la démonstration est en un sens « limitée » par la vérité, à la fois celle qu’elle doit établir, et cell d’où elle part. Mais il s’agit désormais de questionner ces « vérités premièresé.

Démonstration et relativisme

La condition de possibilité de la démonstration réside notamment dans l’existence de vérités premières. C’est par exemple le rôle des axiomes d’Euckide en géométrie : ce sont des vérités évidentes, intuitives, indémontrables, sur lesquelles reposent ensuite toutes les démonstrations. Cepedant, sont-ce bien des vérités absoolues, éternelles, sont-ce des évidences ? Le développement de géométries non-euclidienne a permis de montrer que les axiomes sont plus à considérer comme des hypothèses de travail plutôt que comme des vérités absolues. Par exmeple, que par un point disctinct d’une droite il ne puisse passer qu’une droite parallèle à celle-ci n’est qu’une hyptohèse : d’autres systèmes existent où il n’en passe aucune, plus d’une ou même une infinité.

Mais qu’en est-il de la démonstration si ce sur quoi elle repose n’est plus une vérité première ? Cela ne revient-il pas à rendre impossible toute démonstration ? Dans ce cas, non seuelement on ne pourrait pas tout démontrer, mais plus encore : on ne pourrait plus rein démontrer. Puisque la dméonstration repose sur la vérité, et qu’il n’y a pas de vérité, alors nulle démonstration n’est possible. Mais la question est de savoir si justement la démonstration présuppose des vérités absolues et intuitives.

Notre thèse est en fait que le fondement ultime de toute démonstration, qu’elle soit mathématique, physique, d’ordre moral ou encore théologique n’est pas une vérité absolue mais au conraire un ensemble de « paradigmes » pour reprendre le concept développé par Kuhn (Cf. La structure des révolutions scientifiques), en ce sens que c’est à partir d’un réseau donné de croyances fondamentales, d’hypothèses admises par un groupe ou par une seul individu, de conception métaphysique, ontologique du monde qu’est possible la démonstration. Le fondement ultime de la démonstration n’est pas une vérité, ou des vérités éternelles, anhistoriques, intemporelles mais des axiomes,des croyances de base, tenues à un moment donné comme « vrais », comme « évident », comme « intuitif ».

Mais ce n’est pas tomber dans le subjectivisme : car par exemple, il y a souvent de bonnes raisons de choisir telles bases plutôt que telles autres ; en science, le changement de paradigme permet souvent la résolution de davantage d’énigmes. Cependant, comme nous l’avons précédemment souligné, le fondement de la démonstration demeure toujours indémontrable. Du moins au sens strict, car pour atténuer notre thèse, nous pouvons mettre en avant l’idée qu’il est possible de « démontrer » par l’absurde, ou par la négative les principes, les « vérités premières » elles-mêmes. Ainsi n’y a-t’il pas de vérité absolue, mais il est cependant possible de faire des démonstration : nous avons ainsi critiqué la thèse selon laquelle nulle démonstration ne serait possible.

Conclusion

Nous avons ainsi pu voir dans un premier temps qu’il semblait possible de tout démontrer, ce qui revient à prendre la démonstration et la simple argumentation comme synonymes. Nous avons alors lier dans un deuxième temps les concepts de démonstration et de vérité, car la démonstration consiste à établir la vérité d’une conclusion à partir de celle des prémisses. La démonstration est donc limitée par la vérité : celle de la conclusion qu’il faut établir, et celle des prémisses qui elle est indémontrable et semble intuitive. Mais si le caractère évident de ces prémisses est remis en cause, ne rend-on pas impossible toute démonstration ? Nous avons vu, pou finir, que les prémisses sont à considérer comme des propositions certes bien fondées, mais non pas comme des vérités aboslues, intuitives, ce qui cependant ne ruine pas toute démonstration. Si lon ne peut pas tout démontrer, la démonstration demeure cependant possible, même si elle ne repose pas sur de réelles vérités premières. Le relativisme n’est pas un subjectivisme.


 
9 commentaires

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  1. descours

    3 janvier 2009 à 15:27

    Cette dissertation me semble assez complète mais il me semble que la première partie est plus issue d’un plan dialectique formel que d’une réelle réflexion. En effet il est évident que l’on ne peut pas tout démontrer et, affirmer que démontrer revient à argumenter et à utiliser la rhétorique n’est-elle pas un forme d’ommission de la vérité? On sait que démontrer ne doit en aucun cas être assimilé avec montrer ou argumenter . On se cache donc volontèrement la vérité pour permettre de faire une première partie finallement partiellement voire entièrement inutile . Toute fois dans la grande formalité et l’absurdité de la philosophie au lycée il semble obligatoire de réaliser trois parties donc ce n’est pas contre l’auteur de cette dissertation que je m’offusque mais bel et bien contre l’éducation nationale qui privilégie la forme au contenu.

     
  2. Pierre

    3 janvier 2009 à 15:36

    Malheureusement, la première partie est tout sauf inutile. Il n’est pas si facile que cela de distinguer démonstration et argumentation. Néanmoins, je vous accorde qu’il s’agit ici d’un exercice formellement scolaire.
    Le présent texte cherchait à faire vaciller la notion de vérité (comme absolue) tout en conservant la notion de démonstration.

     
  3. Sylla

    8 mars 2010 à 11:44

    Pouvez vous demontrer la vie de l’eau delà.

     
  4. Peut-on tout démontrer? « Philo Montaigne TL1

    1 avril 2010 à 16:16

    […] · Laisser un commentaire Voici un corrigé que vous pouvez trouver sur internet. Comparez votre plan avec celui qui vous est proposé. En […]

     
  5. Jean-Jacques

    9 janvier 2011 à 23:50

    Sur le fond, je trouve ce corrigé bien organisé, mais j’aurais aimé qu’il soit plus concret (avec des exemples) et moins conceptuel.
    Sur la forme, je regrette fortement le nombre considérable de fautes de frappe et d’orthographe qu’il contient. Il faut au moins relire ce qu’on écrit avant de le publier, surtout quand c’est à l’attention des élèves.

     
  6. Cainler John

    17 octobre 2011 à 13:15

    Non, il n’est pas possible de tout demontrer. Si c’etait le cas on pourrait alors demontrer qu’il n’est pas possible de tout demontrer ce qui amene a une contradiction. Il n’y a donc pas lieu de faire une telle dissertation.

    Cordialement.

     
  7. Pierre

    17 octobre 2011 à 14:09

    Argument assez habituel et valable dans ce genre de questionnement. De là à dire que le questionnement n’a pas de légitimité…

     
  8. David Jourand

    17 octobre 2011 à 23:03

    Je décèle plusieurs erreurs qui ne remettent pas en cause le raisonnement, mais qui en appauvrissent la portée.

    La première erreur est de considéré les axiomes mathématiques comme des propositions pouvant être vraies ou fausses. Un axiome mathématique est une proposition vraie par définition. Ainsi en est-il du cinquième axiome de la géométrie euclidienne. En utilisant un jeu réduit d’axiomes, d’autres mathématiciens ont inventé d’autre géométrie.

    La seconde erreur est de considérer les mathématiques comme une science. Les mathématiques sont des constructions intellectuelles, des systèmes formels sans lien a priori avec la réalité. Les sciences utilisent les mathématiques pour construire des modèles permettant de décrire le réel, plus ou moins bien. La géométrie euclidienne permet d’établir un modèle du réel, des géométries non euclidiennes ont permis de construire d’autres modèles. Certains décrivent mieux la réalité sous certaines conditions et d’autre modèles la décrivent mieux sous certaines autres conditions (par exemple selon l’échelle macroscopique ou atomique).

    Une troisième erreur consiste à penser qu’en mathématique toute proposition peut être démontrée. Gödel a montré que ce n’est pas vrai : il existe des propositions vraies indémontrables dans tout système formel.

     
  9. Lorrain Gaëlle

    15 septembre 2012 à 15:44

    Merci pour ce travail que je trouve excellent et que je vais utiliser avec mes élèves comme exemple de dissertation « parfaite » (avec quelques modifications car pour équilibrer les parties et faire ressortir les étapes de l’argumentation, j’ai coupé la deuxième partie en deux parties). Si je devais chipoter moi aussi, je dirais que la quatrième partie utilise des concepts (relativisme, subjectivisme) qui ne sont pas suffisamment stabilisés par la tradition philosophique. Ainsi le « subjectivisme » de Kant aura un caractère beaucoup plus absolu que le « relativisme » d’Élisabeth Teissier.
    Pour finir, un grand merci pour ce document qui me sera, je n’en doute pas, d’une grande utilité, et je vous dirai comment ça c’est passé avec les élèves.