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Hans Jonas : La responsabilité envers les générations futures – La réalité de la menace technologique

13 Sep

Hans Jonas - Principe responsabilitéNous avons évoqué le fait que les sciences ne doivent se soumettre à la morale que dans la mesure où elles pénètrent la réalité : Jonas ne s’oppose pas aux sciences en elles-mêmes mais aux nouvelles technologies issues d’elles qui, du fait de leur utilisation massive, mettent en danger la possibilité d’une existence future de l’humanité. En outre, il ne s’agit pas de refuser toutes les inventions technoscientifiques. Certaines sont, pour certains d’entre nous, désormais indispensables pour continuer à vivre.

Nous pourrions penser que la véritable menace que fait peser la technique sur l’humanité est le nucléaire. Les centrales nucléaires, les usines de retraitement, si elles venaient à connaître des avaries sérieuses ou à être l’objet d’attentat, seraient la cause d’une destruction au moins importante, si ce n’est totale, de l’humanité. L’autre menace que le nucléaire fait peser sur nous aurait des conséquences tout autant dramatiques : nous évoquons ici à la possibilité d’une guerre mondiale atomique qui, si elle était à grande échelle, aboutirait sûrement à l’extinction de l’homme.

Mais ce n’est pas à ce genre de menace technologique que pense avant tout Jonas. Dressant un panorama rapide de la philosophie du XXème siècle, et notamment de la philosophie après la seconde guerre mondiale, Jonas soutient que « parmi les événements de l’époque figura Hiroshima, et ce choc, perpétué par la course aux armements atomiques qui s’ensuivit, fut le premier déclencheur d’une réflexion nouvelle, angoissée, sur la technique dans le monde occidental » (1). Cependant, cette menace constante d’anéantissement collective qu’a démontrée le tragique exemple d’Hiroshima n’est pas ce qui a poussé Jonas à écrire son Principe : « ce qui m’amena à l’éthique comme à une tâche vitale et toujours plus pressante, ce n’était pas tellement le danger d’un brusque holocauste atomique que tout compte fait l’on pouvait toujours prévenir » (2).

Mais quelle menace technoscientifique peut donc planer sur la vie humaine ? Quel type de technologie pourrait être à l’origine d’une disparition précoce de l’humanité ? La réponse est simple : c’est l’ensemble de notre technologie. Le danger viendrait ainsi de « l’effet cumulatif apparemment inéluctable de la technologie telle qu’elle s’exerce quotidiennement dans ses formes les plus pacifiques » (3).

Nous serions donc menacés par des produits technoscientifiques qui n’existent pourtant que dans le but apparemment honorable d’améliorer la vie quotidienne de l’homme, du moins celle de certains. Ce la revient à dire que l’effet secondaire, forcément non souhaité, de nos artefacts issus de la science pourrait être de supprimer, à plus ou moins long terme, la vie humaine dont l’amélioration est pourtant leur but. C’est ainsi que Jonas craint d’abord d’une « apocalypse rampante », devenue « plus importante que l’apocalypse brusque et brutale. » (4). L’effet cumulatif des technologie fait que ce qui inquiète Hans Jonas, « c’est l’usage pacifique quotidien que nous faisons de notre pouvoir et sur lequel repose toute notre existence civilisée avec son confort (conduire sa voiture, prendre l’avion, etc.), avec l’abondance extraordinaire de biens dont nous disposons. Toutes choses nullement répréhensibles d’un point de vue morale, mais dont l’usage prépare à la longue un sort bien plus inquiétant que la bombe nucléaire. » (5). C’est donc l’ensemble de nos technologies, du fait de son effet cumulatif, qui mettrait en danger l’existence des générations futures.

Ce n’est donc pas aux sciences en elles-mêmes, ni même aux technosciences que Jonas s’oppose, mais plutôt aux technosciences en tant qu’elles mettent au jour des produits qui, de par l’utilisation massive que l’homme en fait, risquent de menacer rapidement l’existence de l’homme, notamment, comme nous allons le voir, en détruisant les conditions de possibilité de la vie humaine.

Ayant pour but d’améliorer l’être de l’homme, lui permettant entre autre de gagner du temps, d’être plus productif, de pouvoir choisir parmi une liste de produits de plus en plus variée, de pouvoir manger ce qu’il lui plaît (tout ceci ne concernant qu’approximativement 20% de la population mondiale), ayant en bref le but de permettre un être déterminé de l’homme, un certain mode de vie et un confort de plus en plus important, la technique mettrait en jeu, en fin de compte, l’être lui-même de l’homme. Nous avons évoqué les trois types de menace sur l’être de l’homme en tant qu’homme que font peser les technosciences. Mais au-delà de la modification de l’être-tel de l’humain, c’est vers sa disparition prématurée que nous conduirait l’agir collectif actuel.

Si nous acceptons l’idée que l’avenir de l’homme est menacé de notre fait, nous ne pouvons pas ne pas vouloir changer nos modes de vie, à moins de ne pas nous sentir responsables (6). Mais pour éviter une telle catastrophe, les changements devraient être radicaux, et ce d’autant plus que nous attendrions avant d’agir. La radicalité de la nouvelle conduite à adopter (qui reviendrait à se séparer d’un grand nombre de produits technoscientifiques et à modifier notre mode de consommation en général) est une des raisons pour lesquelles la connaissance des effets négatifs de nos nouvelles technologies et de leur usage de manière massive doit être fiable, crédible. Car peu d’hommes seraient prêts à abandonner leur confort technologique sous prétexte qu’il y a une chance infime que ce confort mette en jeu la vie des générations futures.

Si reconnaître notre ignorance de certains effets à long terme de nos technologies est l’un des impératifs de l’éthique de la responsabilité, il faut que la menace soit au moins fortement probable. « Il faut d’avantage prêter l’oreille à la prophétie de malheur qu’à la prophétie de bonheur » (7), notamment du fait que c’est l’existence de l’homme lui-même qui semble être menacée. Mais la prophétie du malheur doit être fondée et s’avérer réaliste. Si l’optimisme aveugle est assimilable à de l’inconscience et de l’irresponsabilité de la part de nos représentants politiques, un pessimisme irrationnel ne le serait pas moins. L’hypothèse d’un danger réel que court l’homme par ses invention technologiques doit faire preuve d’un réalisme scientifique. Nous essaierons donc, dans cette dernière analyse de la responsabilité envers les générations futures, de voir si nous pouvons considérer le risque que nous fait courir la technique comme réel. Le réalisme d’un tel « scénario-catastrophe », digne de certaines grosses productions hollywoodiennes, serait alors un moyen efficace pour stimuler le sentiment de responsabilité envers l’humanité future, envers nos descendants, qui plus est si la menace devait apparaître plus tôt que nous le pensons. Nous retrouverions alors la crainte et le rôle important qu’elle peut jouer dans notre prise de responsabilité, du moins dans celle de nos responsables politiques.

Nous pourrions croire que la pollution est un phénomène relativement récent, apparu au plus tôt à partir de l’industrialisation au XIXème siècle. Mais la contamination, par exemple, des nappes phréatiques et des eaux superficielles n’est pas caractéristique des deux derniers siècles. « Malgré une opinion fort répandue, les pollutions ne constituent en aucun cas un problème récent ou un phénomène épisodique. Leurs origines remontent aux époques protohistoriques lorsque se constituèrent les première cités souillées par les ruisseaux d’écoulement des eaux usées domestiques et par l’entassement dans les rues des ordures ménagères et autres résidus » (8).

Cependant, c’est par l’ampleur des diverses pollutions que notre époque actuelle se distingue : auparavant localement limitée, elle s’étend de plus en plus au point de devenir globale. Et c’est une pollution globale trop importante qui représente la menace la plus sérieuse d’une disparition de l’humanité du fait de l’humanité elle-même.

Nous savons aujourd’hui que l’homme est à l’origine de l’extinction de certaines espèces animales et végétales. Si l’existence de l’homme a sans doute eu cette conséquence dès son apparition, l’extermination sans cesse croissante de nombreuses espèces vivantes du fait de la modification des écosystèmes est, rapportée à l’échelle de la vie de l’humanité, relativement récente. La menace de la pollution sur la vie de certains vivants, liée à l’usage toujours plus important de technologies par l’homme, est un fait avéré. Mais nous pouvons penser que l’homme ne figurera jamais sur la liste des espèces disparues à cause d’une dégradation de l’environnement.

Il faut donc préciser les conséquences écologiques qu’ont les utilisations massives et répétées par plusieurs millions d’individus de certains objets issus des technosciences.

Des phénomènes dramatiques comme ce que nous appelons communément (mais à tort), « l’effet de serre » (il s’agit en fait du réchauffement climatique), ou bien le fameux trou dans la couche d’ozone (9) et, plus généralement, l’amincissement de la couche d’ozone, relèvent du constat. Cette constatation de la détérioration d’éléments naturels indispensables à la survie humaine a notamment eu pour conséquence, à partir de la fin des années 80, des accords internationaux sur l’interdiction de la fabrication et de l’usage, avant la fin du XXème siècle, des CFC, gaz responsables de la destruction de l’ozone. Cependant, si l’usage de tels gaz a au moins était considérablement réduit, leur effet destructeur continue à se manifester. En outre, de nouveaux produits sont venus les remplacer sans, cependant, que nous soyons totalement assurés de leur caractère inoffensif. Dans tous les cas, la couche d’ozone continue à s’amincir dangereusement et les deux trous sont loin de se stabiliser. L’une des conséquences observables actuellement est l’augmentation des cancers de la peau, liée à l’augmentation de la quantité des ultraviolets que nous recevons du Soleil. Une trop forte dégradation de la fine couche qui nous protège des méfaits du Soleil aurait par contre pour conséquence la disparition pure et simple de l’homme. Mais nous pouvons penser que nous arriverons bientôt à mettre un terme aux émissions de gaz destructeurs d’ozone. Il nous semble que si la destruction de la couche d’ozone est réellement une menace que l’homme fait courir sur lui-même, ce n’est pas la menace la plus sérieuse, notamment du fait que des mesures politiques ont heureusement déjà été prises pour endiguer ce problème.

L‘utilisation importante d’engrais chimiques et de pesticides peut aussi être l’une des causes d’une disparition prématurée de l’homme. Le recours à des agents chimiques en vue de permettre une meilleure récolte n’est pas inoffensif pour l’équilibre des écosystèmes et pour la santé humaine. En effet, les animaux ou les végétaux nuisibles (pour une culture donnée) s’adaptent (10) petit à petit aux différents pesticides, ce qui fait que les pesticides employés doivent être de plus en plus puissants et la quantité utilisée de plus en plus élevée. De plus, l’effet des pesticides ne se limite pas à la faune ou à la flore nuisible pour la culture à protéger, mais touche de nombreuses espèces animales et végétales aux alentours de la zone traitée. De nombreuses espèces animales et végétales, dont certaines entrent dans notre chaîne d’alimentation, sont ainsi contaminées par des agents chimiques. En outre, cette contamination peut, entraînée par les pluies et les eaux de ruissellement, prendre des dimensions spatiales importantes et toucher des sources d’approvisionnement en eau. Ce problème est tellement important, que l’« on doit aujourd’hui se résoudre à l’évidence d’écrire qu’il est devenu impossible que cette eau qui habite notre corps soit pure » (11). Une partie de notre nourriture et l’eau que nous buvons portent les traces de contaminants. L’eau est de moins en moins saine est doit être de plus en plus traitée. Nous consommons des pesticides au travers de notre alimentation quotidienne depuis des années. Il devient ainsi évident que nous portons en nous-mêmes des traces de produits polluants que nous utilisons.

L’une des solutions envisageables serait, par exemple, de remplacer la lutte chimique par une lutte biologique contre les insectes et la flore nuisibles aux cultures. Certains jardins botaniques offrent ainsi aux particuliers des coccinelles pour lutter contre les pucerons. Malheureusement, cette pratique écologique va « à l’encontre des intérêts des grandes firmes multinationales » (12) pour lesquelles la commercialisation d’engrais chimiques est une source de profits importants. Il est donc peu probable de voir bientôt les engrais chimiques remplacés par des produits écologiques, biologiques.

En ce qui concerne l’eau, la dégradation de la qualité de celle-ci n’est pas la seule menace qui plane sur nous. En effet, l’eau potable ne représente qu’un pourcentage infime (environ 3%) de l’eau présente sur Terre. Si le cycle de l’eau est fermé (13), une certaine quantité d’eau est tout de même perdue (du point de vue de la consommation). Si la qualité de l’eau se dégrade, sa quantité diminue également. A l’heure actuelle, « il demeure en ce monde de l’eau buvable pour moins de cinquante ans […]. Certaines références prévoient qu’avant 2020 toutes les catégories de populations du globe ressentiront un manque d’eau » (14). Cela revient à dire que, si nous ne changeons pas notre façon de vivre et de consommer, le manque d’eau sera à l’origine de la disparition de l’homme. Un américain utilise en moyenne 1000 litres d’eau par jour alors qu’il faudrait que la consommation d’eau par habitant et par jour soit en moyenne de 80 litres (15). Mais les Etats-Unis ne sont malheureusement pas les seuls : nous devons nous-mêmes nous mettre en cause, nous qui lavons régulièrement nos voitures, nous qui n’hésitons pas à utiliser des centaines de litres d’eau pour prendre un bain ou pour d’autres buts souvent bien futiles… etc. La limitation de la consommation d’eau, qu’elle découle d’une prise de conscience collective ou de mesures politiques de restriction, et le tri entre les eaux propres et les eaux usées sont nécessaires si nous voulons éviter le pire.

La pollution, notamment liée à l’emploi massif de produits chimiques issus des technosciences, et la diminution d’une des ressources essentielles à la vie qu’est l’eau sont deux causes possibles d’une extinction précipitée de l’espèce humaine. Mais ce n’est pas le seul risque lié à l’utilisation de produits issus de la technique. Une autre dégradation menace l’homme : la pollution atmosphérique.

Si l’eau potable est nécessaire pour vivre, un air sain n’est pas moins indispensable à la survie de l’homme et des générations futures. Or, l’un des effets secondaires de nombreux objets technoscientifiques est de souiller l’air que nous respirons. Les enfants et les personnes âgées sont les plus touchés par ce problème, mais ils ne sont pas les seuls : les cas d’asthmes et de maladies respiratoires, surtout en ville, sont en augmentation constante. « L’atmosphère est hautement contaminée d’abord au-dessus des villes et de leurs banlieues industrielles, points noirs irrespirables où les médecins savent bien que se développent les irritations, asthmes, allergies, insuffisances respiratoires, maladies des poumons. […] Début 1996, on parle en France des poussières des gaz d’échappement qui, entre autres, obstruent les alvéoles pulmonaires et réduisent clairement l’espérance de vie des enfants, tuent des personnes âgées ou des malades : quelques centaines de morts. La partie visible de l’iceberg. » (16). Si le nombre des victimes de la pollution atmosphérique (dont fait partie la destruction progressive de la couche d’ozone) semble encore limité, il nous permet déjà d’être conscients des risques que court l’humanité si cette pollution venait à augmenter, ce que laisse malheureusement supposer la mondialisation libérale.

La pollution atmosphérique, outre le problème de l’inhalation par l’homme de particules nocives, se manifeste également par l’augmentation du taux de gaz carbonique présent dans l’atmosphère. La présence de plus en plus abondante de ce gaz, ajoutée à la diminution de la couche d’ozone et à l’augmentation de l’ozone dans les basses couches de l’atmosphère est à l’origine du réchauffement climatique.

Si la réalité de ce phénomène, il y a quelques années, n’était pas attestée, la communauté scientifique elle-même est aujourd’hui convaincue de la modification du climat. D’après l’organisme international de météorologie, la température mondiale a augmenté de six dixièmes de degrés celsius depuis le début du XXème siècle, la dernière décennie ayant été la plus chaude. Le siècle qui vient de commencer devrait être encore plus chaud que le précédent : l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climat Change) prévoit un accroissement mondial de la température compris entre 1,5 °C et 6 °C (17). Une telle augmentation ne serait pas sans conséquence sur l’environnement et bouleverserait sûrement une grande partie, si ce n’est la totalité, des écosystèmes. La fonte progressive de la banquise est l’un des signes de cette élévation de la température. Si le Groenland venait à fondre totalement, ce qui se passera si l’élévation est de 3 °C d’ici à 2100, le niveau des océans serait rehaussé de plusieurs mètres.

On donne souvent le nom « d’effet de serre » à ce réchauffement mais à tort, car l’effet de serre est au départ un phénomène naturel. C’est d’ailleurs grâce à cette protection, grâce à la chaleur qui est retenue tout autour de la Terre, comme par « la paroi en verre d’une serre » (18), que la vie a pu apparaître et se maintenir. Sans elle la Terre ressemblerait sûrement à un désert polaire. Ce qui s’est développé depuis le début de l’ère industrielle, c’est un effet de serre additionnel, en plus de l’effet de serre naturel. Cette augmentation, d’origine humaine, d’un phénomène au départ naturel est due à celle de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère. Cette dernière est en progression constante depuis le début de l’ère industrielle. Elle est causée par la combustion massive, d’origine industrielle et domestique, de pétrole, de charbon et de gaz (dits combustibles fossiles). La première source de gaz à effet de serre est la production d’énergie. Avec elle, nous atteignons la source du problème des technologies : la consommation d’énergie, qui caractérise la plupart de nos artefacts issus de la technoscience, se paie par une émission de carbone et d’autres gaz qui est majoritairement responsable des émissions d’origine humaine de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs en terme d’énergie que Jonas aborde les problèmes écologiques liés à l’utilisation d’objets toujours plus nombreux et avides.

Nous avons auparavant abordé le problème de l’utilisation par les agriculteurs d’engrais chimiques. Outre le problème de la pollution de l’eau, dont Jonas fait également mention (19), l’usage important de ces engrais est problématique de par la nature de ces produits. « Avec tout cela on n’a pas encore mentionné la limite la plus fondamentale qui est contenue dans le fait que les engrais synthétiques sont des formes d’énergie et qu’ils relèvent donc du double problème de l’obtention et de l’utilisation d’énergie à l’intérieur du système fermé de la planète. » (20). En effet, les engrais sont issus des combustibles fossiles précédemment nommés. L’utilisation d’engrais, ainsi que la production d’énergie posent le problème de l’usage d’énergie dans un milieu (la Terre) qui ne laisse pas le gaz carbonique sortir de lui. C’est-à-dire que la combustion d’énergie s’accompagne nécessairement, comme nous l’apprend la chimie, d’une production de carbone et donc, plus ou moins directement, d’un réchauffement de la planète. Or nous avons vu que l’augmentation de la température mondiale moyenne serait à l’origine de nombreux problèmes, dont la fonte des calottes polaires (qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le climat) et, par voie de conséquence, l’élévation du niveau des océans. Ce réchauffement général serait responsable du dérèglement de l’écosystème, entraînant alors la disparition de nombreuses espèces animales et mettant sérieusement en jeu l’existence de l’humanité. Nous n’en sommes pas encore là, loin s’en faut, mais le problème de l’énergie, que ce soit celui de son obtention (car la quantité de produits fossiles n’est pas illimité et est longue à se constituer) ou, et surtout, celui de son utilisation, est posé par la finitude de notre planète.

Nos ressources en énergies sont limitées et doivent donc être consommées avec parcimonie ; la combustion d’énergie, si elle est trop importante, menace dangereusement l’humanité, notamment à cause du réchauffement climatique qu’elle entraîne, et doit donc être réduite. La réduction de notre consommation d’énergie est une nécessité si nous voulons transmettre la possibilité de la vie humaine à nos descendants les plus lointains possibles. Il ne s’agit pas de s’opposer à tous les produits issus des technosciences mais de faire un tri entre l’utile et le futile, entre le nécessaire et le superflu.

Car il est évident qu’une utilisation par des millions de personnes d’objets consommant de l’énergie posera un jour ou l’autre des problèmes concrets de survie pour l’humanité. Car ce que remet en cause l’agir actuel de certains hommes, c’est l’équilibre symbiotique général de la planète. En effet, « l’intérêt de l’homme coïncide avec celui du reste de la vie » (21), le destin de l’homme et celui de la nature sont solidaires. Naturellement, un équilibre se crée entre les différentes espèces végétales et animales. Si chacun recherche sa propre conservation, cette recherche est équilibrée. Cet équilibre est permis par ce que Darwin a appelé la sélection naturelle. Dans la nature, « la dure loi de l’écologie (que Malthus fut le premier à entrevoir) empêchait tout pillage excessif d’une forme de vie particulière au détriment de l’ensemble, tout développement excessif d’un « plus fort » et le maintien de l’ensemble était assuré, nonobstant la mutation de ses parties » (22). Cela signifie que sans l’intervention (technologique) de l’homme, la diversité biotique s’équilibre. Mais si de nombreuses espèces vivantes disparaissent, c’est l’équilibre général qui est remis en cause, et donc l’existence de la majorité des espèces qui dépendent d’une relative stabilité de la chaîne alimentaire.

Une dégradation de l’environnement se répercute sur le vivant par l’extinction d’espèces. Cette dégradation, qu’elle concerne l’air, la terre ou l’eau, est réelle. Son augmentation d’année en année est désormais un fait. Il nous semble avoir montré que le danger que fait courir sa technologie à l’homme lui-même est réel. Ce n’est pas seulement une probabilité. Si nous continuons de vivre au même rythme effréné, la nature ne pourra bientôt plus nous accepter. Que ce soit lié directement ou indirectement aux technologies, celles-ci nous font courir un risque que nos responsables politiques ne mesurent peut-être pas encore dans toute sa portée : l’extinction de l’espèce humaine.

Le but de cette analyse était de voir si la menace technologique est ou non à prendre en considération, notamment dans la sphère politique. Il s’avère que les générations futures sont véritablement mises en jeu par la course au confort à laquelle se livrent nos sociétés (essentiellement les sociétés occidentales). Mais finalement, de quelles générations futures s’agit-il exactement ? Est-ce l’humanité dans quelques millions d’années ? Dans quelques milliers d’années ? Il nous semble malheureusement que c’est à plus court terme que nous sommes menacés.

Il est fortement vraisemblable que l’homme disparaisse d’ici quelques siècles s’il ne modifie pas sa façon de vivre et s’il ne réduit pas ses déchets. Cependant, notre disparition pourrait survenir bien auparavant. En effet, selon Gilles-Eric Seralini, les premiers problèmes concrets de survie se poseront d’ici à cinquante ans : « Or, si nous ne réagissons pas, le pire est prévu non pas dans des millions d’années comme d’aucun pourraient s’en persuader, mais dans le courant des cinquante ans à venir. Pas à la fin mais au cours des cinq lustres, en plein fouet de la maturité des petits enfants d’aujourd’hui. » (23). Ces derniers voient ainsi leur vie hypothéquée par l’utopie technologique.

La proximité temporelle du danger qui nous guette, si nous n’opérons pas de profonds changements dans nos façons de vivre, doit nous permettre de nous sentir responsables de l’avenir de notre espèce.

Plan de l’étude de Hans Jonas * :

* Cliquer sur l’un des liens pour accéder au chapitre correspondant.

Voici la version PDF de mon mémoire :

Mémoire consacré à Hans Jonas : responsabilité et utopie technologique

Mémoire consacré à Hans JONAS : Responsabilité et utopie technologique


 
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  1. Hans Jonas : La responsabilité envers les générations futures – La réalité de la menace technologique | Sauce-IT Evolution

    9 avril 2013 à 16:10

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